Le triste courant de la vie
Madame Arnoux ôta son chapeau et ce fût pour moi comme une gifle. Ses cheveux ont perdu leur si jolie couleur, pour du blanc. Sa peau a pris de l'âge, ses lèvres se sont pincées. Afin de lui cacher ma déception, je mis un genoux à terre, et tout en prenant sa main lui murmure quelques tendresses. Je fais semblant d'oublier la femme qu'elle était et semble accepter cette situation avec ravissement. De ces déclarations j'y croyais presque mais, tout avait changé, elle n'était plus comme je l'avais laissé. Avant, juste sa présence me chamboulait, son visage et son corps tourmentaient mes nuits. Elle seule pouvait me donner le sentiment d'exister, d'avoir un but à ma vie. J'aurai tenté l'impossible pour atteindre son cœur. Je n'imaginais pas que tout changerai, cette image-là ; son visage entouré d'une chevelure cassante, froide et blanche, me refroidie jusqu'à me briser de l'intérieur. Où est passé la femme pour qui j'avais tant de considération ? Où est passé mon amour ? S'est-il envolé avec le temps comme la couleur et la douceur de ses cheveux ? La nostalgie de ce passé si proche me brise.
Sur ces paroles, elle se pencha vers moi. Je sentis alors sa douceur me caresser la peau, le contact de son fin corps à travers ses vêtements se rapprochait peu à peu. Le souvenir de notre rencontre sur ce bateau me revint alors, ce fut l'un des plus beau jour de ma vie. Nos mains se serrèrent, et je vis la pointe de sa bottine s'avançant hors de sa robe, je lui dit, alors, que cette vue me troublait.
Que m'as-t-il prit de lui dire cela ?
La réalité la frappa et dans un mouvement de pudeur elle se leva, elle eut l'air vexée ou émue je ne sais pas. Elle s'exclama beaucoup, débattant sur son âge, sur les femmes qui me rendent visite et insista sur son mépris à leur égard. Sa jalousie me faisait sourire. Elle voulut savoir si je me marierait, je jura que non. Elle fit mine d'être étonnée et m'en demanda la raison. Tout en la serrant dans mes bras, je lui avouais que c'était à cause d'elle.
Que m'arrive-t-il ? Une femme de son âge, de son apparence, cette différence... mais mon attirance est si forte qu'elle me donne la force de passer au-dessus de ces aspects.
Mais elle me repoussa avec peine. L'incompréhension se lisait sur mon visage et elle me répondit soucieuse, qu'elle aurait voulu me rendre heureux. Je l'aurai voulu aussi, elle peut me croire ! Je pourrais la rendre heureuse dès à présent si elle le souhaitait ! Elle aussi a envie de goûter à ce bonheur, je le sais, sinon elle ne serait pas revenu. Une pensée me vint à l'esprit, elle pourrait être ma mère, je pourrai même me marier avec sa fille, et le fait de vouloir quelque chose qui est défendu me refroidi. Je ne veux pas ressentir le dégoût, le regret et la honte à cause d'une folie passagère. Par prudence de commettre l'impardonnable et afin de retrouver mes esprits je me mis à rouler une cigarette. Je sentis son regard émerveillé, sa contemplation de me voir faire, me déstabilisant presque.
Onze heure sonnèrent, la délivrance, au quart elle s'en ira.
Une ambiance d'attente se fait alors ressentir.
Je fumais tout en marchant. Elle s'était assise observant la pendule. Le silence avait remplacé la parole. Que se passait-il ? Où est donc passé son admiration envers moi? La pendule n'a pas simplement sonné onze heure, elle a sonné notre séparation, ses onze coups ont tué le lien qui nous reliait autrefois.
Enfin, l'heure fut venu pour elle de me quitter, elle prit son chapeau par les brides, lentement, peut être pour profiter de ce dernier instant. Elle s'avança vers moi et m'annonça ses adieux.
Elle me donna un dernier baiser sur mon front, le temps s'était arrêté, elle laissa un sentiment de rage et d'amertume en mon bas ventre.
Je ne la reverrai plus jamais. Elle me demanda des ciseaux, défit son peigne, je vis alors ses longs cheveux blancs tombant. Brutalement, elle s'en coupa une longue mèche qu'elle m'offrit. Ses derniers mots furent « adieu ».
Elle sortit de la maison, j'ouvris la fenêtre pour la voir partir, la regarder une dernière fois. Elle fit signe d'avancer à un fiacre qui passait et monta dedans. La voiture disparut, mes sentiments avec.
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